Faits : Un salarié décède dans un accident de la circulation, et l’assureur verse à sa veuve un capital décès au titre d’un contrat d’assurance de groupe. L’assureur, en application d’une clause de subrogation prévue au contrat, réclame ensuite le remboursement de certaines prestations versées, au titre de la subrogation à l’encontre du tiers responsable. La veuve et les enfants contestent cette clause, soutenant notamment qu’elle porterait sur des prestations forfaitaires (non admises en subrogation) et qu’elle n’aurait pas été portée à leur connaissance dans la notice d’information.
Procédure : La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 19 septembre 2023, fait droit aux arguments de l’assureur, considérant que le capital décès présente un caractère indemnitaire, admis à la subrogation qu’elle ordonne donc en partie. Les ayants droit du salarié décédé forment un pourvoi devant la Cour de cassation.
Ils contestent en effet cette solution au motif d’une part, que le capital décès est une prestation de nature forfaitaire et qu’une clause de subrogation ne peut pas viser selon eux des prestations de cet ordre mais uniquement des prestations à caractère indemnitaire, ce quand bien même elle s’exercerait pour la réparation d’un préjudice corporel, ; d’autre part, que pour leur être opposable, une clause de subrogation doit obligatoirement être mentionnée dans la notice d’information du contrat d’assurance de groupe. Or, cette clause n’existait pas en l’espèce.
Solution : Pour trancher ces deux questions, la Cour de cassation rappelle tout d’abord l’article L.131-2 du code des assurances, qui dispose que l’assureur peut être subrogé « dans les droits du contractant ou des ayants droit » pour les prestations à caractère indemnitaire.
Dans un arrêt remarqué du 28 mai 2025, la Cour de cassation confirme une position désormais bien ancrée : la fin de la période de portabilité des garanties de prévoyance ne met pas un terme automatique aux droits de l’assuré, dès lors que le fait générateur du risque est intervenu pendant la relation de travail ou la période de portabilité.
La portabilité des garanties, prévue par l’article L.911-8 du Code de la sécurité sociale, permet aux anciens salariés privés d’emploi, sous certaines conditions, de bénéficier gratuitement du maintien des garanties collectives de prévoyance. Cette couverture s’étend sur une durée équivalente à celle du dernier contrat de travail (dans la limite de 12 mois), à condition notamment que l’ex-salarié bénéficie des allocations chômage.
L’affaire tranchée en mai 2025 portait sur un salarié ayant bénéficié d’une telle portabilité. Placé en arrêt maladie durant cette période, il est ensuite de nouveau arrêté, puis reconnu invalide après la fin de la portabilité. L’assureur refusait de prendre en charge les prestations postérieures à la période de portabilité, estimant qu’elles en étaient exclues.
Il est acquis qu’aux termes des dispositions d’ordre public de l’article 2 de la Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques (Loi ÉVIN), dans le cas où des garanties collectives sont mise en place par acte d’entreprise, l’organisme assureur qui délivre sa garantie ne peut procéder à aucune sélection médicale et refuser de prendre en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat.
Dans les conditions de l’article 7 de cette même loi, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat d’assurance est par ailleurs sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Autrement dit, l’organisme assureur, même résilié, est tenu de continuer à verser les prestations au moins à leur niveau atteint à la date de résiliation du contrat.
Aussi, bien souvent, l’articulation entre ces deux textes posaient des difficultés majeures pour les assurés qui, en cas de succession d’organismes assureurs, se voyaient opposer des refus de prise en charge, les deux assureurs se renvoyant la balle au motif de l’application des dispositions qui les arrangeaient le mieux.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation vient cependant de trancher la question : « en cas de succession de contrats de prévoyance, il appartient à l’organisme, dont le contrat était en cours à la date où s’est produit l’événement ouvrant droit aux prestations, de verser celles-ci, qu’elles soient immédiates ou différées ».
Autrement dit, la primauté est donc donnée à l’article 7 ; la question de l’application de l’article 2 de la Loi ÉVIN ne doit se poser qu’à partir du moment où les dispositions de ce premier n’ont pas lieu de s’appliquer.
Consultez ici l’intégralité du document : Cass. Civ. 2ème, 25 mai 2023, n° 21-22.158