Arrêts récents de la Cour de cassation sur la santé au travail.
Les Chambres civiles et la Chambre sociale de la Cour de cassation sont régulièrement conduites à statuer sur des questions de santé au travail. Quelques arrêts récents méritent l’attention.
Le 25 avril, la deuxième Chambre civile a rendu un arrêt portant sur l’exposition aux poussières d’amiante d’un docker du port de Marseille. En l’espèce, l’employeur contestait le fait que la maladie professionnelle de son salarié résultait d’une faute inexcusable de sa part. Mais la Haute juridiction a confirmé que l’employeur avait commis une faute inexcusable en ayant eu connaissance de la situation dangereuse et en n’ayant pris aucune mesure de nature à préserver la santé de son salarié. Pour ce faire, la Cour retient que : ” même si le niveau quantitatif de manipulation de l’amiante était resté faible par rapport au volume global de trafic du port de Marseille (- de 0, 1 %), la répétition de ce type de manipulation dans des sacs poreux ou déchirables opérée par l’intéressé dans un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles tant à bord qu’à quai sur une durée de trente années constitue une exposition habituelle au risque, ensuite, que les primes de salissure dont bénéficiait le docker intègrent la notion de dangerosité des produits manipulés, enfin, que les ouvriers dockers travaillaient sans protection particulière, notamment, lors de la manutention des sacs “.
Le 29 mai, la Chambre sociale a tranché la question d’un licenciement suite à une aptitude provisoire après un accident du travail. En l’espèce, l’adjoint du directeur d’un magasin avait été victime d’un accident du travail. A la suite de sa visite de reprise, le médecin du travail avait rendu un avis d’aptitude provisoire pendant 15 jours. Mais, avant l’expiration de ce délai, le salarié avait fait l’objet d’un licenciement pour motif économique. La Chambre sociale a alors confirmé la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, après la visite de reprise ayant qualifié le salarié de provisoirement apte, l’employeur qui envisage de le licencier pour motif économique, doit préalablement faire procéder, à l’issue de la période d’aptitude provisoire, à une nouvelle visite médicale. En ne soumettant pas son salarié à cette seconde visite, l’employeur ne peut pas valablement lui proposer un poste de reclassement.
Le 30 mai, la deuxième Chambre civile a statué sur l’articulation entre l’entrée en vigueur du tableau et la constatation médicale de la maladie professionnelle. En l’espèce, le salarié était atteint d’une dégénérescence broncho-pulmoniaire prise en charge par la caisse d’assurance maladie au titre du tableau des maladies professionnelles. La Haute juridiction a alors précisé que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail doit rechercher si, dans l’exercice de son activité profesionnelle, le salarié a été effectivement exposé au risque de sa maladie après l’entrée en vigueur du tableau.
Par un autre arrêt du 30 mai, la deuxième Chambre civile rappelle le droit en matière de notification à l’employeur de la reconnaissance ou non de la maladie professionnelle. En l’espèce, un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avait rendu un avis motivé concernant l’affection d’une salariée. La caisse primaire d’assurance maladie du département avait alors notifié à l’employeur la clôture de l’instruction et l’avait invité à venir consulter le dossier avant la prise de décision. L’employeur avait ensuite contesté l’opposabilité de cette décision devant une juridiction de sécurité sociale. La Haute juridiction a alors rappelé que, par application de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, l’avis du comité régional s’impose à la caisse primaire d’assurance maladie. Cette dernière n’a donc pas à notifier l’avis du comité à l’employeur préalablement à la prise de sa propre décision de reconnaissance ou non de l’origine professionnelle de la maladie. La caisse primaire est seulement tenue de notifier immédiatement sa décision. C’est cette décision qui fait grief à l’employeur.
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Avant-projet de loi sur le fichier centralisé de l’assurance vie.
En novembre 2012, l’ancien Ministre de Budget avait lancé l’idée d’un fichier centralisé des contrats d’assurance vie. Le 2 avril dernier, les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre ont repris cette proposition dans un rapport sur l’épargne financière remis au Premier ministre. La création de ce fichier fait aujourd’hui l’objet d’un avant-projet de loi. Hier, les assureurs ont été auditionnés à la Direction du Trésor et ils ont pu faire part de leurs craintes de voir la mise en place d’un fichier qui inclurait, de manière exhaustive, toutes les données personnelles des souscripteurs. Cela pourrait être tant complexe que coûteux.
Ce fichier s’inspirerait du fichier Ficoba recensant les comptes bancaires en France, mais il serait beaucoup plus complet. Ainsi, les assureurs devraient déclarer, chaque année : le nom ou la raison sociale et le domicile de l’organisme d’assurance ou assimilé ; les références du contrat ; la date de souscription ; les références, nautre et date de souscription des avenants ; les clauses de démembrement ; les noms, prénoms et domicile des souscripteurs ; les sommes versées à chaque bénéficiaire en cas de décès de l’assuré ; toutes les opérations effectuées sur le contrat (arbitrages, virements, etc.).
Cette exhaustivité a pour but de lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Mais il donnera surtout un travail titanesque aux assureurs qui devront entrer les données de 24 millions de contrats et aux agents de Bercy qui devront analyser ces données. Il posera également la question de la protection des données personnelles. N’oublions pas que le projet de fichier positif du crédit devant répertorier tous les crédits détenus par un particulier avait été retoqué par le Conseil d’Etat.
L’avant-projet de loi prévoit une entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2015.
Les certificats mutualistes dans le projet de loi sur l’ESS.
Le 28 mai dernier, M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du minitre de l’Economies et des Finances, a présenté le projet de loi sur l’Economie sociale et solidaire (ESS). Le projet sera présente en Conseil des ministres le 10 juillet prochain et soumis au Parlement à partir de mi-septembre.
Le projet de loi a pour but de définir le périmètre de l’ESS et de favoriser le développement de ce secteur. Ce dernier représente pas moins de 10% du PIB français et concerne aussi bien les coopératives, les associations, les SCOP (sociétés coopératives et participatives) et les mutuelles que tous les entrepreneurs respectant la non-lucrativité et la gestion désintéressée.
Le projet intègre également la possibilité pour les mutuelles de recourir aux certificats mutualistes (ces titres perpétuels à mi-chemin entre actions et obligations), pour accroître leurs fonds propres. Pour le ministre délégué, cette intégration permettra de compléter le financement des mutuelles et de reconnaître le statut de mutuelle européenne. Remarquons que la souscription de ces certificats ne sera ouverte qu’aux sociétaires et dans un périmètre très limité.
Enfin, le projet de loi prévoit de mettre en avant la gouvernance démocratique, sans pour autant établir un contrôle du fonctionnement des filiales non mutalistes des mutuelles. Par cette disposition, M. Benoît Hamon endigue les craintes de certains mutualistes.
Arrêt du Conseil d’Etat du 15 mai 2013 sur les garanties de protection sociale complémentaire.
Par une requête de la CGT et de la CFE-CGC, le Conseil d’Etat a été conduit à statuer sur la légalité du décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale et complémentaire. La Haute juridiction a rejété l’ensemble des moyens développés par les requérants. Elle a ainsi considéré que la fixation d’une liste de critères objectifs permettant d’établir des catégories de salariés n’est contraire ni aux principes de participation des travailleurs, d’égalité et de sécurité juridique ni à l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme.
Finalement, cet arrêt des 1ère et 6ème sous-sections réunies apporte peu de précisions quant aux modalités d’application du décret. Il laisse alors la Direction de la sécurité sociale très libre de les fixer par circulaire avant la date butoir du 31 décembre 2013.
Pour lire l’arrêt du Conseil d’Etat, cliquez ici.
Adoption de la complémentaire santé pour tous.
Le 14 mai 2013, à l’issue d’une procédure législative accélérée par le Gouvernement, le Sénat a définitivement adopté le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Sa promulgation et ses décrets d’application devraient intervenir prochainement. Mais le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires dès le 15 mai. Par conséquent, il faut attendre la réponse des Sages avant d’envisager la promulgation.
L’article 1er de la loi est essentiel pour les organismes de complémentaire santé. En effet, celui-ci dispose qu’avant le 1er juin 2013 – soit dans quelques jours seulement – les organisations devront engager des négociations afin de permettre à leur salariés de bénéficier d’une complémentaire santé collective et obligatoire. D’autres négocaitions du même type devront être conduites d’ici le 1er janvier 2016, en vu d’une adhésion obligatoire en matière de prévoyance. Les employeurs doivent prendre en charge une partie des cotisations.
Il faut attendre les décrets d’application qui fixeront le niveau de prise en charges de différentes dépenses, les catégories de salariés dispensés de cette obligation d’affiliation et le régime particulier des employeurs multiples et des salariés à temps partiel.
Par principe, les organismes seront préalablement mis en concurrence. C’est la raison pour laquelle les plus petits d’entre eux craignent d’être évincés de ce nouveau système. En effet, au niveau des branches professionnelles, il y aura nécessairement une tendance à choisir de grandes institutions à dimension nationale et offrant des garanties à des prix avantageux.
La création d’une complémentaire pour tous, sous couvert d’une volonté de mettre en place une solidarité universelle, pose aussi les questions de l’atteinte au libre choix du salarié de ses garanties en matière de complémentaire santé et du transfert des actuels contrats individuels.
En France, environ 4 millions de salariés ne bénéficient pas d’une participation financière de leur employeur pour leur assurance ou leur mutuelle. Le nouveau marché qui s’ouvre est donc majeur et il engendre forcément convoitise et angoisse. Il risque de significativement modifier le paysage des organismes de complémentaire santé.
Mais il faut attendre les premières mises en application de cet article premier, pour voir si les craintes de certains mutualistes sont fondées.
Pour une analyse critique de l’article premier, cliquez ici.
Pour lire le texte définitif du projet de loi, cliquez ici.